V.Claireaux : « J’ai pris beaucoup de plaisir »
06 Nov 2024 11:29 / A LA UNE, EQUIPES DE FRANCE
Revenu sur son archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, Valentin Claireaux se livre en interview, une semaine après l’annonce de sa fin de carrière. Il retrace son passé en clubs comme en sélection, avec fierté et émotion.
Comment te sens-tu, une semaine après avoir mis fin sur toute ta carrière sportive ?
Ça fait bizarre ! Je prends mes marques petit à petit ici à St-Pierre-et-Miquelon. J’ai eu pas mal d’occupations cette semaine, entre les médias, les enfants et ma maison que je suis entrain de construire. Je n’ai pas encore le manque du Hockey pour le moment, mais je sais que ça va venir très rapidement. Pour l’instant, c’est comme des vacances (rires).
Peux-tu nous parler de ce choix de stopper ta carrière à 33 ans ?
C’est un choix familial. Cela fait quatre ans que je suis seul en Europe sans ma femme et mes filles et cela devenait trop compliqué. C’est toujours très dur d’être éloigné des siens, de gérer les larmes de ses enfants. J’avais comme idée de finir en fin de saison, mais finalement le bon moment est arrivé. Le choix s’est imposé naturellement. J’ai pris beaucoup de plaisir avec mes différents clubs et les Bleus et c’était le moment de dire stop, même si j’étais encore en forme physiquement !
Tu vas continuer à jouer chez toi, à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
Je ne vais pas pouvoir décrocher comme ça, c’est comme une addiction le Hockey. Je suis encore jeune et j’ai besoin de ma dose (rires) ! Ce ne sera pas professionnel mais je vais prendre beaucoup de plaisir en jouant avec des gars avec qui j’ai fait mon Hockey mineur. Les gens ici ont envie de partager cette passion commune et c’est un plaisir de transmettre pour moi, aux jeunes comme aux adultes.
Tu as fait ton choix entre les Cougars et les Missives ?
J’ai des copains des deux côtés… Ici, la préférence est ancrée dans les familles, de génération en génération. Il n’y a que deux équipes mais plusieurs coupes en jeu, avec huit matchs à gagner pour remporter le trophée. Même si c’est une petite île, il y a quand même 700 personnes qui viennent regarder les matchs le week-end ! J’ai choisi de jouer pour les Cougars, qui m’ont bien accueilli. Les Missives ont gagné pendant des années donc je vais aider l’autre équipe un peu (rires). Je suis avant tout là pour prendre du plaisir et faire en sorte que le Hockey perdure à St-Pierre-et-Miquelon. C’est pour ça que j’irai aussi aider les jeunes dès que possible. C’est important de transmettre.
Sa carrière en club
Revenons sur ta carrière. Après ton hockey mineur à St-Pierre-et-Miquelon, tu arrives en France pour finir ta formation à Amiens. Quel souvenir gardes-tu de ton arrivée ?
Quitter mon archipel à 15 ans pour partir en métropole, dans une grande ville, c’était une grosse découverte. L’internat, le CREPS, les déplacements en mini-bus, j’ai beaucoup de souvenirs. J’y ai rencontré plein de belles personnes. Recevoir beaucoup de message à l’annonce de ma fin de carrière m’a permis de me remémorer tout ce parcours et les différentes rencontres que je n’oublierai jamais… C’est assez émouvant de repenser à tout ça.
Est-ce que tu as pensé à tes débuts professionnels lors de ton dernier match avec Vitkovice ?
Ouais totalement ! A l’époque jamais je n’aurai jamais pensé faire tout ce chemin et terminer en République Tchèque. Je me rappelle du gamin de 18 ans qui est aujourd’hui le père de 33 ans. J’ai bien changé, et je suis content du parcours que j’ai eu. Que ce soit en clubs ou sélection, j’ai énormément de beaux souvenirs. Ce qui me restera ce sont les gens croisés sur ma route. J’ai gagné des amis pour la vie.
Tu évolues en Finlande entre 2014 et 2019. Que retiens-tu de cette époque ?
C’était incroyable. Un beau pays, et un pays de hockey, en plus ! C’est là-bas que j’ai appris à être professionnel, à gagner ma place tous les jours sur la glace. J’ai dû me battre comme un lion pour performer en Mestis puis monter en Liiga. Je m’étais fixé comme but de quitter la Ligue Magnus pour me jeter dans un pays de Hockey et apprendre… j’ai été servi ! J’ai pu me construire en tant que joueur de Hockey et cela m’a aidé pour la suite.
Vient ensuite la République Tchèque entre 2019 et 2028…
Gros pays de Hockey aussi ! J’ai vu une vraie différence entre mon arrivée et maintenant, le niveau de jeu est bien monté avec l’arrivée de nouveaux joueurs de KHL. La pression est différente par rapport à la Finlande, car en Tchéquie tu as moins le droit de louper 2-3 matchs. Les propriétaires sont exigeants et mettent direct la pression (rires). Il faut être performant chaque jour.
Même si tu as beaucoup changé de club, tu es resté plus de 5 ans en Finlande puis en République Tchèque. Tu ressentais un besoin de stabilité ?
J’ai changé pas mal de clubs mais c’était important pour moi de jouer dans des grosses ligues, avec du niveau et aussi de l’argent, évidemment (rires). J’ai décidé d’aller dans des rôles plus importants en Tchéquie. J’ai dû changer de clubs quand je ne produisais pas assez offensivement. Tout s’est toujours bien passé avec les clubs globalement.
Même ton départ de Vitkovice en cours de saison a eu l’air de s’être bien déroulé.
J’ai été presque surpris à quel point tout le club a été compréhensif. Vitkovice a été incroyable avec moi. Ils m’ont offert des maillots, un beau dernier match… Je remercie le club, le staff et les supporters qui m’ont fait un super accueil. Cela n’a pas été simple pour les managers d’apprendre mon souhait mais ils ont été très à l’écoute. J’étais triste de tous les quitter, du chef matos aux joueurs, car ils m’ont montré beaucoup d’amour.
Přivítání vítkovických fanoušků dopadlo na jedničku! pic.twitter.com/2g6OpQlJ1W
— HC VÍTKOVICE RIDERA (@hcvitkovice) October 29, 2024
Tu reviens pour quelques mois en France en 2023 chez les Dragons de Rouen. Quel souvenir gardes-tu de ce passage ?
J’avais signé un contrat de trois ans, je pensais finir peut-être ma carrière à Rouen. Ce n’était juste pas le bon moment finalement. Le fait d’être seul en Tchéquie a été dur donc j’ai voulu chercher du réconfort en France. Et finalement, j’étais quand même loin de la famille, malgré les gars du vestiaire. Au Mondial de Tampere, Vitkovice me demande de revenir et c’est ce que je souhaitais à l’instant T. Je remercie le club d’avoir respecté ma décision. Je ne retiens que des bons souvenirs de Rouen et je leur souhaite le meilleur !
Tu as décroché le seul titre de ta carrière avec les Dragons, en remportant la Synerglace Ligue Magnus en 2023.
Malheureusement j’étais blessé pour la finale donc je ne l’ai pas vécu pleinement. Je suis très content d’avoir fait partie du groupe mais c’est un sentiment différent quand tu es blessé, car tu es un peu « à l’écart ». Je suis déçu de ne pas avoir pu aider l’équipe jusqu’au bout, mais avec du recul ça me fait une ligne dans le palmarès. Certains enchaînent les titres de Ligue Magnus, moi je peux au moins dire que j’en ai un (rires) !
Quelle est la saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Clairement ma première année en Liiga avec Lukko (ndlr : saison 2016-2017). Ça s’est super bien passé sur la glace, je me voyais progresser tout au long de la saison. J’avais une grosse confiance des coachs que j’arrivais à leur rendre. L’année du Mondial 2017 à la maison en plus…
C’est aussi la fois où tu t’es senti le plus fort ?
100% ! Je n’ai jamais retrouvé cette confiance. J’avais l’impression que tout ce que je tentais, ça passait. Tout était précis, carré, dans le respect du jeu, comme si rien ne pouvait m’atteindre. Cela a été indéniablement ma meilleure saison.
Valentin Claireaux avec les Bleus lors de la saison 2016-2017 (crédit : Xavier Lainé / FFHG)
Son histoire avec les Bleus
Ta carrière en Bleu a démarré il y a presque 15 ans en 2011-2012. Quel est ton rapport à ce maillot bleu ?
L’équipe de France a toujours été ma priorité dans ma carrière. J’ai toujours visé les Mondiaux en fin de saison pour aider le groupe et me battre pour le maillot. Même blessé, je serrais les dents pour y aller.
Tu as vécu 8 Mondiaux au total, et même porté le capitanat lors du Mondial 2023.
Lettre ou non sur le maillot, j’ai toujours eu la même attitude envers moi-même et le groupe. J’aime aider les autres et me battre avec eux pour un objectif commun. Je suis très content d’avoir été un travailleur, un joueur d’équipe. Je n’étais pas forcément dans la colonne de statistiques, mais j’étais là pour faire le boulot ingrat.
Quel est ton meilleur souvenir en Bleu ?
Mon premier championnat à Prague déjà. J’évoluais en Mestis et je ne m’attendais pas à être pris. Je découvre les Mondiaux, les patinoires pleines, le très haut niveau… Après évidemment je garderai à vie l’expérience de Paris en 2017, avec notamment la victoire contre les Finlandais dans une ambiance de fou. On ne fait pas les quarts mais ça ne se joue à rien. Même si la fin n’a jamais été heureuse, je retiens aussi toutes les qualifications olympiques. A part cette année, on a toujours été proche de se qualifier… Puis, je garde aussi en tête tous mes coéquipiers en sélection. Avoir côtoyé des joueurs comme Cristobal Huet et compagnie, c’est magique. Moi Cristo je le regardais à 21h00 à la télé quand j’étais jeune, et finalement j’ai eu la chance de jouer avec lui. Rien que ça, c’est une fierté.
Valentin Claireaux lors de son premier Mondial à Prague (Crédit : Xavier Lainé / FFHG)
On imagine que tu savais que ce TQO était le dernier grand défi de ta carrière…
Je l’attendais. Je voulais qualifier l’équipe avec les gars. On ne sait pas trop si on sera qualifié pour les Jeux de Milan avec la décision IIHF à venir, mais j’espère de tout cœur que les Bleus y seront. Je me dis que même si je n’y vais pas, ce n’est pas grave. Un jeune ira à ma place, et ce sont eux l’avenir.
C’est une phrase de joueur d’équipe ça !
(rires) Tu veux toujours prendre la place de l’autre car c’est le jeu… mais j’ai toujours joué avec un esprit de compétition saint. Si ce n’est pas moi, c’est l’autre, et si c’est l’autre, c’est que je dois en faire plus.
Qu’est ce qui te manquera chez les Bleus ?
Les copains avant tout ! L’équipe de France est une vraie famille. Nous ne sommes pas la Finlande ou la Suède avec des joueurs qui tournent souvent. Nous on a créé un vrai groupe. Charles Bertrand par exemple, j’étais avec lui en équipe de France -16 ans et on était coéquipier de chambre encore à Riga en août ! J’ai grandi avec lui à travers les Bleus, comme Sebastian Ylönen, Jordann Perret et d’autres… On est ensemble depuis des années et des années. Il y aussi la compétition, le fait d’affronter des grosses nations en le prenant comme un défi à relever ensemble. Toute l’atmosphère du groupe France va me manquer.
Valentin Claireaux et les Bleus après la victoire face à la Finlande au Mondial 2017 (crédit : Xavier Lainé / FFHG)
« Je ne me souviens que des bons souvenirs »
Qu’est-ce que l’on peut te souhaiter maintenant ?
Du bonheur dans l’après-carrière. Rattraper un peu le temps perdu avec les miens, même si on ne le rattrape jamais vraiment. Cela faisait 18 ans que j’étais parti de chez moi, forcément plein de choses m’ont manqué. Souhaitez-moi de profiter de tout le monde et d’être heureux chez moi à la maison !
Un dernier mot ?
J’ai reçu des messages de partout, Suisse, Finlande, Canada, USA, de joueurs j’ai côtoyé à différents moments… Je me rends compte de la puissance du sport. C’est marrant car quand tu es joueur tu as des moments difficiles, mais une fois que c’est terminé tout est effacé. Je ne me souviens que des bons.
Je remercie tous les supporters, les staffs, les coéquipiers pour leur soutien depuis le début. J’ai reçu plein de message d’amour, cela m’a vraiment touché. La porte est ouverte à St-Pierre-et-Miquelon, je vous attends !
Valentin Claireaux lors de son dernier match avec les Bleus, le 1er septembre 2024 contre la Lettonie (crédit : Xavier Lainé / FFHG)
Propos recueillis le mardi 5 novembre