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Kevin Hecquefeuille : « J’espère vivre les JO en tant que coach ! »

12 Avr 2022 17:00   /   A LA UNE, EQUIPES DE FRANCE

 

Illustre défenseur et numéro 84 de l’équipe de France, Kevin Hecquefeuille a mis fin à sa carrière de joueur le 21 mars dernier pour devenir entraîneur des Scorpions de Mulhouse. Il revient sur cette évolution mais également sur les meilleurs moments de sa carrière en club et sous le maillot bleu.

Crédit photo : Fabien Baldino


Ton dernier match était le 21 mars pour une grosse victoire 9-3 contre Nice. Peux-tu nous raconter les derniers instants de la rencontre ?

C’était assez étrange car c’était un match sans enjeu avec très peu d’émotions sportives. On s’imagine souvent une fin de carrière en plein playoffs avec un dernier match où l’on donne tout ce qu’il nous reste sur la glace… C’était un moment mitigé, mais je ne vais pas me plaindre avec toutes les belles choses vécues en 20 ans. Je garderais plutôt ces souvenirs de ma carrière que mon dernier match !

Passer directement de joueur à entraîneur rend la fin de carrière plus facile ?

Effectivement ! Une carrière est remplie de défi et c’est je pense ce qu’il manque quand on arrête. J’enchaîne et c’est top pour moi de passer d’un défi à un autre, à relever dès la saison prochaine. J’ai l’esprit déjà beaucoup occupé. Je suis en pleine préparation de mon équipe et je dois aussi analyser ce qui n’a pas été bon cette année. Je suis très concentré et j’ai du travail, donc la retraite passe un peu plus facilement. J’ai aussi eu du temps pour m’y préparer car je savais depuis quelque temps que j’allais être dans cette position. Certains joueurs subissent une retraite presque forcée lorsque leur contrat n’est pas renouvelé, et là c’est bien plus violent. J’ai eu cette chance de connaître mon destin à l’avance.

Tu es devenu entraîneur adjoint – joueur en février, avant donc de passer coach principal maintenant. Cette évolution étape par étape est une bonne chose ?

C’était un premier pas dans le monde du coaching, mais ce n’était pas une position idéale d’être assistant coach tout en continuant à jouer. D’autant plus que j’ai joué pour le coach qui s’est fait congédier, donc j’avais ma part de responsabilité quant à son départ puisque cela veut automatiquement dire que les joueurs n’ont pas été à leur meilleur niveau. C’était une situation un peu étrange pour être honnête.

Quelles valeurs et philosophie de jeu souhaites tu transmettre en tant qu’entraîneur ?

J’ai une idée de comment je veux jouer et du type de joueur que je veux avoir dans mon équipe. Je pense que mon jeu va être beaucoup basé sur la vitesse. Avoir une équipe rapide et des joueurs avec une bonne compréhension du jeu vont être des critères importants. Si vous voulez voir votre équipe progresser, vous avez besoin de joueurs qui ont un sens du hockey assez développé.

Quelles ambitions nourris-tu en tant que coach ?

Les ambitions vont être les mêmes que quand j’étais joueur, c’est-à-dire aller le plus possible (rires). J’ai un premier challenge qui commence à Mulhouse, puis ensuite on verra ce que ça donnera. S’il y a des possibilités, l’objectif serait à l’avenir d’essayer de goûter à des grands championnats. Il faut être ambitieux dans une carrière !

Après 20 ans sur la glace et plus de 600 matchs, que retiens-tu de ta carrière ?

Plein de choses : toutes les rencontres que j’ai effectuées, tous les entraîneurs qui m’ont chacun marqué de différentes façons, beaucoup de joueurs avec qui j’ai évolué, les résultats avec l’équipe de France. On avait un super groupe chez les Bleus, c’était comme une deuxième famille. Cela nous a permis de créer de belles surprises dans certaines compétitions. Nous avions toujours ce plaisir de se retrouver et cette soif de compétition qui permettent de représenter le mieux possible ce maillot. C’était vraiment des belles années.

Kevin Hecquefeuille lors de son dernier match (Crédit photo : scorpionspictures.com)

Tu as des souvenirs marquants en club ?

J’ai eu la chance de gagner deux titres de champion de France avec les Gothiques d’Amiens et les Brûleurs de Loups de Grenoble lors de mes débuts, des supers souvenirs. Gagner des titres en étant jeune, c’est vraiment quelque chose de fort. La remontée en National League avec Langnau en 2015 était aussi quelque chose d’incroyable, avec une victoire 4-0 contre Rapperswil qui nous permet de remporter la Ligue B. L’ambiance dans la patinoire de Langnau lors du dernier match était juste incroyable. J’ai de belles images dans la tête. C’était vraiment un souvenir magnifique.

Tu as notamment voyagé avec des saisons en Suisse, en Allemagne et en Suède, que retenir de ces expériences à l’étranger ?

Elles ont été différentes. Ma première en Suède marquait la découverte. Je ne connaissais ni le pays ni la langue. Je ne parlais pas anglais non plus à cette époque donc c’était d’autant plus compliqué. Au-delà du hockey, c’était un gros défi personnel dont je suis content d’être passé à travers. On perdait beaucoup de match, j’avais des difficultés à communiquer, cela n’a pas été facile. Ma mère notamment m’a beaucoup poussé dans ce moment dur pour ne pas partir. Sortir de ce moment compliqué m’a permis de faire un gros championnat du monde puis de décrocher un contrat à Cologne en DEL. Organisation, patinoire, installation… je n’ai que des bons mots pour ce club magnifique qui m’a toujours bien traité. Le championnat allemand était très compétitif avec des ambiances incroyables. C’était génial.

Et chez les Bleus, quels sont tes plus beaux souvenirs ?

D’abord le premier, qui a déclenché tous les autres : la montée en Élite en Chine (ndlr : en 2007 à Qiqihar) ! Un voyage interminable… Tous les joueurs présents à l’époque vous en parleront comme le pire voyage de leur carrière (rires). Les infrastructures et les installations étaient aussi très compliquées. On parvient à terminer premier et, l’année d’après, on est à Québec pour découvrir l’élite mondiale. On s’est vraiment dit : « faut qu’on se maintienne » après avoir vu la différence (rires) ! Québec était une première expérience dans l’Élite pour pas mal de joueurs et on a réussi à gagner cette série contre l’Italie (ndlr : 3-2 et 6-4) qui nous maintient et lance la belle histoire. Malheureusement je n’étais pas aux quarts de finale de 2014 suite à une blessure mais c’était un grand moment pour le hockey français. L’exploit contre la Russie en 2013 reste un match dingue à mes yeux. Se dire qu’on a battu une fois les Russes dans sa carrière, ce n’est pas rien ! On a même eu la chance de les battre une deuxième fois, en Russie, lors d’un match de prépa en 2017 (ndlr : 1-0, but de D.Fleury) d’ailleurs.

Photo officielle de l’équipe de France en 2007 à Qiqihar.

Puis le Mondial à Paris, bien sûr ! L’ambiance contre la Finlande… c’était fort. On ne savait pas à quoi s’attendre, si les tribunes allaient être pleines ou non. On savait juste qu’il y aurait des supporters adverses (rires). On était même un peu déçu lors du premier match car la patinoire n’était pas aussi remplie qu’espérer. Mais ensuite, c’était fou. L’atmosphère contre la Finlande nous a beaucoup poussé à nous surpasser. Les Finlandais auraient pu gagner le match facilement mais tout s’est bien goupillé, entre les arrêts de Florian Hardy et les encouragements de Bercy. En jouant deux jours de suite on ne l’aurait pas perdu ce match ! Il reste néanmoins un petit regret de ne pas avoir vu les quarts. Une petite déception qui n’enlève rien à notre beau tournoi.

Kevin Hecquefeuille lors du Mondial 2017 à Paris (Crédit photo : Xavier Lainé / FFHG)

Et à l’inverse, quels sont tes souvenirs les plus difficiles sous le maillot bleu ?

Jouer les Jeux olympiques, ça restera le gros manque dans ma carrière. On a échoué souvent par un seul but. Voir les Jeux à la télé et ne pas en faire partie est très frustrant. J’espère qu’un jour je pourrais les vivre en tant que coach, ce serait incroyable ! Quand on est jeune on se dit « il y aura une autre chance », puis pareil une deuxième fois, puis on finit par se dire « c’est la dernière il ne faut pas se louper ! ». Contre la Lettonie il nous manque encore une fois pas grand-chose… Je pense quand même que sur l’ensemble du match les Lettons ont été un petit peu meilleurs.

Avec près de 15 ans en Bleu, tu étais l’un des garants des valeurs de l’équipe de France. Quelles étaient ces valeurs justement ?

La première valeur de l’équipe était avant tout le travail. Toujours se donner au maximum tout en faisant passer l’intérêt de l’équipe en premier. Pour remplir nos objectifs et créer parfois des surprises il fallait passer par l’équipe. On a eu des joueurs exceptionnels comme Cristobal Huet ou Stéphane Da Costa, mais même eux avaient besoin des autres. C’était notre force et c’est, je pense, ce à quoi l’équipe de France doit s’accrocher. Sous le maillot tricolore on ne se bat ni pour un contrat, ni pour une place dans l’alignement, mais ensemble pour décrocher les objectifs communs. Peut-être que nous, plus anciens, avons mal ou pas assez véhiculé ce message lors de la descente au Mondial de Kosice en 2019. Nous sommes une nation mineure dans le Hockey, nos succès ne passent que par un groupe fort.

L’équipe de France va disputer le Mondial Élite à Helsinki en mai. Comment imagines-tu la compétition ?

Chaque match sera un défi. L’Italie et le Kazakhstan seront les matchs les plus difficiles à gagner car eux aussi jouent pour leur survie. Mais attention, il faut jouer tous les matchs pour prendre des points lors d’un Championnat du Monde, pas seulement ceux-là. Je n’ai jamais été un adepte du fait de faire reposer des joueurs en fonction de l’adversaire. Dave Henderson nous avait bien inculqué ça : il n’y a pas de petit match, tu dois jouer automatiquement pour gagner et ça passera ou pas. C’est finalement la meilleure façon de préparer des matchs plus abordables sur le papier comme l’Italie ou le Kazakhstan.

Un dernier mot pour les supporters de l’équipe de France qui t’ont suivi depuis tes débuts ?

Les remercier tout simplement ! C’est aussi grâce à eux qu’on a pu obtenir tous ces bons résultats. Le soutien extérieur est important pour se surpasser, et les supporters ont toujours été derrière nous. J’espère qu’ils pousseront les Bleus à connaître les mêmes années qu’on a eu nous ! Ce serait fantastique pour le groupe qui partira à Helsinki et plus globalement pour le hockey français.

Kevin Hecquefeuille avec les supporters à l’Aren’Ice en 2018 (Crédit photo : Xavier Lainé / FFHG)

Entretien réalisé le lundi 4 avril 2022


Kevin Hecquefeuille en bref

  • Né le 20 novembre 1984 à Amiens
  • Carrière en club : Amiens (2002-2004), Grenoble (2004-2008), Nybro Vikings (SUE, 2008-2009), Cologne (ALL, 2009-2010), Amiens (2010-2011), Genève Servette (SUI, 2011-2013), Karlskrona (SUE, 2013), SCL Tigers (SUI, 2013-2015), Amiens (2015-2016), Mulhouse (2017-2022)
  • Palmarès en club : Champions de France (2004 avec Amiens, 2007 avec Grenoble), Coupe de France (2008 avec Grenoble), Coupe de la Ligue (2007 avec Grenoble), Coupe Suisse (2017 avec Kloten), Champion de Suisse LNB (2015 avec Langnau)
  • Palmarès en sélection : Champion du Monde D1A en 2007
  • Avec l’équipe de France : 10 Championnats du Monde Élite, 3 Mondiaux D1A, 5 Tournois de qualification olympique